SOCIAL SELLING

Les réseaux sociaux et le social selling n’ont pas attendu Internet pour exister, ils existent depuis la nuit des temps. Je parle bien sur des réseaux sociaux et du social selling physiques. Mais c’est par abus de langage que l’on utilise le terme « social selling » et « réseaux sociaux » pour parler du « social selling online » et des « réseaux sociaux online ». Le social selling et les réseaux sociaux physiques ont été utilisés depuis toujours en vente. Et les nouvelles technologies ne doivent pas nous faire oublier qu’elles ne changent en rien à ce qu’a été la vente depuis toujours ; au contraire elles nous ramènent aux sources.

Histoire social selling

1. Les origines du social selling

Au début de l’histoire, les femmes et les hommes achètent à des femmes et des hommes.

Aujourd’hui quand on parle place de marché, les générations Y et Z pensent à ebay et aux places de marché en ligne. Mais l’histoire nous rappelle que les places de marché sont l’élément central autour duquel les villes se sont développées en Europe à partir du X° siècle.  À cette époque, les marchands passaient de ville en ville, et le marché médiéval était l’élément de régulation naturel du commerce. C’est un bon exemple de « social selling » vieux de 10 siècles. Le social selling d’alors reposait sur cinq caractéristiques particulières.

Le média papier : les débuts du social selling sans « social »

Puis vint le média papier : c’est en 1450 que se produit la première révolution, à Mayence. Un certain Gutenberg invente l’imprimerie et permet la reproduction massive des documents. La page imprimée devient accessible au grand public. On constate l’apparition du flyer (petite page imprimée, généralement distribuée à la main dans la rue). Cette époque ouvre une nouvelle voie au social selling: le contact commercial sans contact personnel avec le vendeur pour la première fois depuis des siècles. Un genre de social selling sans « social ».

La radio et la télévision : le « social selling sans social » de masse

1920: le média radio : Il faudra attendre 1920 pour que le deuxième pas significatif soit franchi. L’invention de la radio en en novembre 1922, permettra l’apparition de la publicité radiophonique. L’ère de la communication de masse était née! Le social selling sans « social » pouvait passer à la vitesse supérieure.
En 1966 le spot publicitaire fait son apparition. Les messages sont placés dans le cours d’un programme dont seule la station est responsable. La publicité n’est plus enregistrée par des speakers à la voix suave, mais lue en direct. Les succès d’audience des radios périphériques, leur dynamisme nouveau, attirent les annonceurs. Les entreprises se sont mises à acheter du temps d’antenne, et à produire des messages publicitaires. Sans le savoir, on avait créé à cette époque le premier outil numérique de masse pour éloigner les vendeurs des clients: ce que j’appelle le social selling sans le « social ».

1960: le média télévision : et en 1968 l’accès de toutes les marques à la publicité télévisuelle (L’ORTF s’ouvre à la publicité de marque avec des exceptions ponctuelles : Lingerie, Carburants, Disques, Margarine, « en vue de respecter les intérêts fondamentaux de l’économie nationale »).
La télévision a décuplé les possibilités de toucher un nombre massif de prospects possibles, à des coûts toutefois assez élevés. Seules les grosses entreprises en ont profité et en profitent encore. Cette fois-ci on avait inventé le »social selling sans social » de masse!

L’essor du web 1.0 : l’avènement du « social selling » sans « social »

1994: l’essor du WEB 1.0. Et enfin le web a encore plus multiplié l’audience accessible, tout en diminuant le coût et le temps nécessaire pour toucher le plus grand nombre. Et aujourd’hui la majorité des entreprises publient une vitrine sur leur site web, font l’autopromotion de leurs produits et services, mettent en téléchargement leurs communiqués de presse. Dans le même temps, les commerciaux font la même autopromotion de leur propre personne en publiant leur CV sur Linkedin ou Viadeo.

Jusque-là l’essor des nouveaux médias n’a fait qu’augmenter le nombre de personnes qu’une entreprise peut toucher dans un temps de plus en plus court sans rapport humain avec le vendeur. Mais aucun de ces médias n’a changé les mécanismes du commerce: Il faut bien comprendre que tous ces médias, Facebook et Linkedin compris, sont des médias « froids »: ils stockent de l’information comme on stocke de la nourriture dans un réfrigérateur, et on espère que l’utilisateur viendra se servir avant qu’elle ne soit périmée. Que cette information soit stockée dans les colonnes d’un journal, ou sur un mur Facebook ne change rien aux mécanismes: c’est juste l’ampleur de l’audience et le temps réduit pour la toucher qui change.

Le tsunami des réseaux sociaux ramène le « social selling » à ses valeurs d’origine.

2002 : L’arrivée des médias sociaux va en réalité ramener le social selling à ses cinq valeurs d’origine. Le fait remarquable c’est qu’il suffira de 15 ans pour revenir 1500 ans en arrière, tellement l’audience de ces nouveaux médias s’est envolée depuis 2000 à une vitesse incroyable.

En l’espace de 10 ans, les revenus publicitaires de la presse papier sont revenus au niveau où ils étaient en 1950, et le phénomène ne touche pas que le papier. Nielsen rapporte que pour la première fois de l’histoire de la télévision, le nombre d’heures de télévision par individu est en baisse: le consommateur s’éloigne du concept du programme regardé à l’heure programmée par la chaîne, il veut consommer le programme quand lui le décide, sans se voir imposer des pubs, et s’oriente vers Hulu ou Netflix, et le consomme quand bon lui semble sur son iPad.

Même les sites web sont en baisse: la fréquentation des 2/3 des sites des plus grosses entreprises mondiales a été en baisse depuis 2010. Depuis 2000, toutes les dépenses de communications dites « interruptives » des annonceurs sont en baisse au global: ici en % du PIB en France. Tous les médias interruptifs sont concernés.

Est-ce que cela signifie que les médias traditionnels interruptifs sont morts? Où est-ce que partent les budgets et l’audience? Vous savez à l’heure où vous lisez ces lignes qu’ils sont sans doute sur les médias sociaux, et pourtant peu mesurent encore ce que les médias sociaux ont changé au WEB et au social selling.

Le tsunami des médias sociaux

Quel rapport avec un tsunami? Un tsunami change le paysage définitivement, en le ramenant souvent proche de ce qu’il était il y  a des centaines d’années en arrière. C’est là que le phénomène des médias sociaux devient intéressant, et a bouleversé le WEB. C’est un véritable retour en arrière dans le temps… vers le futur! Analysons les caractéristiques du web-social et du social selling à l’heure des réseaux sociaux:

Les gens sont là parce qu’ils y trouvent:

En fait les caractéristiques des médias sociaux et du social selling sont fondamentalement différentes de ce qu’était le WEB 1.0 des années 2000: les sites web des entreprises étaient un média de communication institutionnelle comme la télévision, la radio, presse et tous les médias traditionnels depuis 100 ans. Il est encore cela pour beaucoup d’entreprises notamment en B2B.

Les médias sociaux ont ni plus ni moins qu’interrompu l’infléchissement naturel qu’avait pris la vente et le social selling depuis l’introduction des médias de masse et du mass-marketing au début du XX°.
Nous avions appris à cette époque qu’on pouvait vendre efficacement en diffusant des messages publicitaires à la télévision, à la radio ou sur le Web – et on peut toujours le faire
Mais on avait aussi créé une barrière digitale entre le client et le vendeur. Et le Web a amplifié l’effet de cette barrière qui fait qu’aujourd’hui un client réalise en moyenne 60% de son parcours d’achat en B2B (bien plus en B2C) avant d’avoir rencontré le moindre vendeur.

Ce faisant on avait enclenché un mécanisme dans lequel la vente et le social selling perdaient de plus en plus le côté humain que les gens ont pourtant recherché et apprécié des siècles durant. Et le pire c’est d’une certaine manière ce process rassurait le management des entreprises par le contrôle possible de leur communication institutionnelle: moins elle était aux mains des hommes et femmes de l’entreprise, plus elle était contrôlée par l’entreprise.

C’est ce dernier point qui explique la résistance de beaucoup de dirigeants à exposer la communication de l’entreprise via des individus libres de communiquer ce qu’ils veulent, et dont on craint le pire, sur un compte Linkedin, Twitter, un blog, Facebook… Nous sommes conditionnés à diffuser des messages promotionnels réfléchis, pas à autoriser nos collaborateurs à exprimer les leurs ; et encore moins à autoriser les clients à publier leurs avis, leurs visions, surtout s’ils sont négatifs.
D’où la réaction de beaucoup d’entreprises qui est d’utiliser les nouveaux médias sociaux avec les méthodes et les objectifs des médias traditionnels: diffuser des messages au nom de l’entreprise, en faveur des produits, des services, et des événements de l’entreprise.

Pourtant l’histoire nous a toujours appris qu’utiliser les outils modernes avec les méthodes d’hier ne conduit qu’à des catastrophes.

Il y a une autre manière de comprendre les médias sociaux. Il s’agit de comprendre qu’ils nous ramènent au marché médiéval et au social selling du moyen âge évoqués au début de cette histoire, dont ils partagent les mêmes caractéristiques et les mêmes avantages. Un outil marketing dont les principales caractéristiques sont d’être personnel, interactif, immédiat, propice au bouche-à-oreille, social. En fait on revient à ce que l’être humain a toujours aimé et désiré: le contact de personne à personne. Les femmes et les hommes achètent à des femmes et des hommes.

Le seul changement est un retour en arrière vers un bien perdu: il nous est possible maintenant à nouveau d’humaniser l’entreprise, la vente, et le social selling, tout en y associant le pouvoir de masse, et donc de permettre une sorte de renaissance de la démarche commerciale, avec plus de puissance encore.

Mais profiter de ce retour en arrière dans le futur nous demande de revoir entièrement nos anciennes pratiques devenues totalement inadaptées aux nouvelles technologies.